Edito de Patrick Errard - Directeur Général Astellas France
Quand on évoque le cancer, chacun a dans son esprit un membre de sa famille, un ami, un proche, à qui cette épreuve s’est imposée dans une vie ou tout semblait sans ombrage. Chacun peut facilement mettre des mots derrière ce combat, tant il est à la fois médical et psychologique. Chacun peut enfin imaginer la souffrance de ce mal qui ronge et qui ne vous lâche jamais tout-à-fait. Pourtant, alors que près d’un cancer sur deux est guéri, il reste un ennemi redouté, et l’espérance de vie augmentant, la probabilité d’y être confronté est loin d’être nulle. Pour autant, ce qui me frappe, c’est que cette crainte n’engendre pas vraiment, et de façon proportionnelle, une modification à la baisse des comportements à risques, ni des changements à la hausse des mesures de dépistages et de préventions. Si la consommation de tabac a significativement diminué ces dernières années (moins chez les femmes que chez les hommes du reste), la consommation d’alcool en France reste stable, la lutte contre la pollution rencontre une adhésion dans les principes et peu dans les pratiques, notre vie est une déchetterie de substances potentiellement cancérogènes, et notre alimentation est en proie à des tentations peu recommandables… Dans le même temps, le dépistage des cancers les plus fréquents (sein, prostate, peau et colon) est l’objet d’une observance très en deçà de ce qu’elle devrait être pour diminuer significativement l’incidence des formes sévères de ces tumeurs.
La mise au point des immunothérapies récentes, l’avènement des nouvelles technologies en radiothérapie, les progrès de la chirurgie ou encore l’assistance de l’intelligence artificielle ou de la génomique, contribuent indéniablement à améliorer chaque jour le pronostic des lymphomes, des myélomes, et d’un bon nombre de tumeurs solides.
Mais malgré la meilleure compréhension des mécanismes immunitaires mise en jeu dans la reconnaissance des cellules tumorales, la mise au point de protocoles capables de bloquer l’ensemble de ces mécanismes prendra encore du temps. Si bien que les progrès dans le cancer se feront à petit pas, et que les batailles se gagneront pied-à-pied sur l’échelle de quelques mois, puis de quelques années de survie supplémentaires pour les cancers aux pronostics les plus sombres. Loin de moi l’idée d’induire ici le moindre pessimisme. Je crois fondamentalement à l’innovation et au progrès. Mais il me semble que la première des batailles qu’il nous faut gagner en ce jour de lutte contre le cancer, c’est celui de la prévention et de l’accompagnement des malades.
Prévenir c’est guérir à coup sûr. C’est pourquoi respecter la fréquence de ses mammographies de contrôle, faire un PSA tous les deux ans, une coloscopie tous les cinq ans après 50 ans lorsqu’il y a des facteurs de risques familiaux, ou encore aller se faire examiner chez un dermatologue quand on a une peau à « grains de beauté » et un capital soleil un peu trop consommé, me semble être le premier gage de victoire sur le cancer.
Enfin, il nous faut concentrer plus de moyens sur l’accompagnement des patients, sur l’aide aux aidants, ainsi que sur la réinsertion professionnelle et sociale des patients atteints de cancers. Plusieurs études ont démontré l’effet majeur des mesures « non médicalisées » sur le taux de guérison des cancers, et surtout sur la vitesse avec laquelle les patients rentrent en rémission.
Il n’y a donc aucune hésitation à avoir : une journée contre le cancer doit être d’abord une journée avec les patients.
Patrick Errard, Directeur Général Astellas France